"Il fallait des exemples" : au tribunal de Paris, les violences en marge de la victoire du PSG fermement sanctionnées en comparution immédiate

Après les interpellations, la réponse judiciaire. Mardi 3 juin, au palais de justice de Paris, trois salles d'audience – contre deux habituellement – ont été mobilisées pour faire face à l'affluence exceptionnelle de dossiers jugés en comparution immédiate, après les débordements liés à la victoire du PSG samedi soir, en finale de Ligue des champions.
Au total, le parquet de Paris "a traité 253 gardes à vue, dont 15 concernant des mineurs", indique-t-il dans un communiqué mardi soir, précisant qu'"une vingtaine de magistrats et greffiers supplémentaires ont été mobilisés". Quatre jeunes hommes avaient déjà été jugés lundi dans le cadre de cette procédure, la plus rapide du système correctionnel français.
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, mécontent des premières condamnations jugées trop légères, a appelé mardi matin à "faire évoluer radicalement la loi", en supprimant "les aménagements de peine obligatoires" mais aussi le sursis, et en mettant en place "une condamnation minimum systématique une fois la culpabilité reconnue". Le ministre estime également nécessaire d'avoir "trois mois de prison ferme (réellement exécutées) minimum pour toute agression envers un représentant de l'État".
Ce mardi, le rythme des comparutions a considérablement augmenté, avec 20 prévenus – âgés d'une petite vingtaine d'années en moyenne – entendus par la 23e chambre correctionnelle. Dans la grande salle 2.01 du tribunal judiciaire de Paris, sept hommes – âgés de 22 ans en moyenne – sont jugés. Ils font justement partie de ceux à qui il est reproché de s'en être pris à des policiers.
"On n'a jamais vu un garde des Sceaux commenter des décisions de justice", souffle une magistrate dans les couloirs du tribunal. L'audience commence à 13h30 dans ce contexte tendu. Les premières réquisitions du ministère public tombent dans la foulée, relayées dans les minutes qui suivent par les chaînes d'information en continu, présentes sur place. Pour Steeve T., 19 ans, casier vierge, le procureur de la République demande 18 mois d'emprisonnement, dont 12 mois avec sursis, précisant que la partie ferme pourrait être effectuée sous bracelet électronique. Le prévenu, qui a fait la route samedi depuis la commune de Lomme, dans le Nord, pour fêter la victoire de l'équipe parisienne, est poursuivi pour détention de mortiers – qu'il assure avoir ramassés par terre – et rébellion au moment de son interpellation.
"La journée commence fort !", s'agace son avocat, Abdelmadjid Benamara, dans une plaidoirie express, considérant ces réquisitions "disproportionnées". A la sortie, face à une nuée de micros et de caméras, il s'étonne de cette posture du procureur qu'il juge "très sévère" par rapport à ce qui est habituellement demandé dans des procédures de comparution immédiate. L'avocat, remonté, y voit une volonté de "montrer l'exemple" après les propos de Gérald Darmanin.
La peine de Steeve T. tombe vers 20 heures : l'étudiant en deuxième année de BTS d'assistant-comptable est condamné à dix mois d'emprisonnement, dont cinq mois de sursis et devra verser 300 euros dommages et intérêts au policier partie civile dans ce dossier. "Du ferme pour un primo-délinquant, c'est extrêmement rare", pointe son avocat, persuadé que si son client avait été jugé un autre jour, il aurait écopé d'un sursis simple.
Son profil, "bien inséré" selon les termes du procureur, est similaire à la majorité des six autres prévenus de l'après-midi : des jeunes avec pas ou peu de condamnations à leur actif, qui assurent avoir été pris dans "l'euphorie" du moment. Bien loin des situations souvent très précaires que l'on retrouve dans ces audiences accélérées, d'habitude désertées par les journalistes. Ce mardi, une quinzaine de médias ont fait le déplacement : la salle est quasi comble.
La présidente, entourée de trois assesseurs, affiche une certaine fermeté. Les questions s'enchaînent, à la hâte : il faut faire vite, une petite heure par dossier maximum, car après ces sept hommes, sept autres seront jugés pour le pillage de deux magasins Honda et Yamaha dans le 16e arrondissement samedi soir, avenue de la Grande-Armée.
On s'attarde donc assez peu sur le cas d'Assan B., âgé de 29 ans et jugé pour avoir donné un coup de pied à un policier. L'homme, de nationalité algérienne et assisté d'un interprète, était alcoolisé au moment des faits. Il assure que le fonctionnaire l'a préalablement poussé au sol. Interrogé par franceinfo, son avocat Grégory Kagan, s'étonne de voir un tel cas en comparution immédiate : habituellement, pour ce genre de faits, un simple "rappel à la loi" suffit selon lui, souvent assorti d'"un stage de citoyenneté". Son client est condamné à sept mois avec sursis et devra verser 300 euros dommages et intérêts.
Comme lui, Mathis L. conteste les circonstances des faits reprochés. Ce jeune homme de 24 ans, qui porte encore le maillot du PSG avec lequel il a été arrêté samedi soir, reconnaît avoir tenté de résister à son interpellation, mais affirme également avoir subi des violences de la part des CRS qui l'ont arrêté. La présidente lit le procès-verbal rédigé par le policier : le fonctionnaire affirme que le prévenu est venu "à son contact". Mathis L. nie fermement.
"Je suis resté sur place et ils sont venus vers moi, ils étaient quatre, j'ai été plaqué contre le sol", relate le prévenu, qui suit une formation de commercial, après avoir travaillé comme transporteur de pianos. "Une fois menotté au sol, je demande son matricule au policier : il a éteint sa caméra, il m'insultait, il rigolait", rapporte-t-il, affirmant avoir été frappé dans les côtes et avoir eu le nez en sang après l'interpellation. A plusieurs reprises, Mathis L. demande si des caméras ont pu enregistrer la scène. "Je ne sais pas monsieur", balaye la présidente, gênée par les témoignages contradictoires de deux policiers dans le procès-verbal.
Eloïse Pili, l'avocate de Mathis L., regrette qu'il n'y ait pas eu "d'enquête à charge et à décharge mais uniquement à charge" et une certaine "légèreté de la procédure" alors que des images de vidéosurveillance et des caméras-piétons, portés par les policiers, existent forcément selon elle. Son client est en tout cas relaxé des faits reprochés, "les éléments du dossier étant beaucoup trop contradictoires", tranche la présidente.
Son soulagement contraste avec la sidération de Diego S., le seul des sept prévenus de l'après-midi à écoper d'un mandat de dépôt, c'est-à-dire d'une incarcération immédiate. Originaire d'une petite commune de l'Ain, tout juste âgé de 18 ans, il est reconnu coupable d'avoir asséné des coups de poing au visage d'un policier lors de son interpellation, ayant entraîné une incapacité totale de travail de sept jours pour le fonctionnaire.
Le jeune homme, déscolarisé depuis la classe de seconde et actuellement en recherche d'emploi, assure avoir porté ces coups "involontairement". "Il a eu peur, il a paniqué, il s'est défendu, mais il ne s'est pas placé devant un policier en disant : 'tiens, je vais casser du flic aujourd'hui'", a plaidé son avocate. Son casier porte la trace d'une précédente condamnation du juge des enfants, datant de mars 2024 : une mesure éducative d'un an pour avoir lancé une fausse alerte attentat dans un établissement scolaire.
Mardi soir, Diego S., a été condamné à 12 mois de détention, dont huit avec sursis, et quatre mois ferme, ainsi que d'une interdiction de venir à Paris pendant deux ans. "Comme il s'agit d'une première incarcération, je vais demander à ce que vous voyiez un médecin en arrivant en détention", précise la présidente. Le prévenu ne semble pas comprendre tout de suite et se penche vers son avocate, qui a juste le temps de lui expliquer la situation, l'espace de quelques petites minutes. Elle quitte ensuite la salle d'audience, visiblement sous le choc, pour appeler la mère de son client. "On se doutait que l'un des sept prendrait cher", regrette l'avocate d'un autre prévenu. "Il fallait des exemples, pour pouvoir dire qu'il y a eu de la prison ferme dans les dossiers PSG".
Francetvinfo